CORPS À LA LOUPE

Microbiote intestinal : vos bactéries vous veulent du bien

Ces dernières années, la COVID19, ou plus récemment la propagation de cas de gale en maison de retraite, ont engendré beaucoup d’inquiétudes concernant les virus et autres parasites. Cependant, il est important de comprendre que certaines bactéries et autres microorganismes, comme ceux de nos microbiotes, nous permettent de rester en bonne santé.
Bactéries
© CDC - Unsplash

Chaque partie de notre corps en contact avec le milieu extérieur (peau, bouche, poumons, intestin…) est occupée par des microorganismes. Ils cohabitent avec nous, formant un microbiote. Le plus « peuplé » est le microbiote intestinal comprenant « l’ensemble des microorganismes qui vont composer la diversité de la flore que l’on a au niveau du tube digestif », nous explique Laurence Delhaes, cheffe de service de parasitologie-mycologie au CHU de Bordeaux et responsable de recherche Inserm – équipe « Remodelage bronchique ». Entre l’intestin grêle et le colon, il est possible de trouver pas moins de 10 microorganismes, autant que de cellules dans notre corps, dont 99 % sont des bactéries. 

Une population qui s’autorégule

Cette relation hôte/parasite est le fruit d’une coévolution vieille de millions d’années. Elle est profitable pour l’un et l’autre (commensalisme) : « Les microorganismes que l’on héberge de façon saine n’ont aucun intérêt à ce qu’on décède ; le microbiote intestinal, c’est du gagnant-gagnant chez le sujet sain », nous assure Laurence Delhaes. Cette flore est unique pour chaque personne tant sa diversité est grande. Sa composition est liée à de nombreux facteurs comme l’alimentation, l’âge, le mode de vie ou les traitements médicamenteux comme le rappelle la tribune de la Société Française de Microbiologie (SFM) dans Le Monde. Notre microbiote intestinal peut être envisagé telle une population, son but étant de vivre et de produire des descendants : nous le nourrissons et lui offrons un lieu de vie. 

 

Muqueuses avec et sans bactéries
© LJNovascotia - Pixabay

Le microbiote, en échange, nous rend de nombreux services. Le plus simple à comprendre est sûrement l’effet de barrière mécanique comme le souligne Laurence Delhaes, également ancienne présidente de la Société Française de Parasitologie : « Quand on a un microbiote sain, il occupe la surface de la muqueuse digestive. Si on a une maladie digestive ou un traitement antibiotique par voie orale, cela peut modifier notre microbiote, le réduire. Ainsi, la place libérée peut alors être occupée par d’autres microorganismes potentiellement plus dangereux. » En situation normale, cette flore nous protège également d’agents pathogènes par compétition ou en produisant des substances bactéricides.

Le microbiote intestinal assure son propre métabolisme, notamment à partir de nos aliments et des fibres alimentaires. En parallèle, les microorganismes notamment les bactéries, nous aident dans notre digestion par exemple en participant à la fermentation de certains résidus alimentaires, à l’hydrolyse de la cellulose, de l’amidon et à la synthèse de certaines vitamines comme la vitamine K ou certaines vitamines B et des acides aminés essentiels. 

L’intestin est régi par le système nerveux entérique situé le long du tube digestif. Ce dernier contient à lui seul environ 200 millions de neurones, d’où son nom de deuxième cerveau qui est « un peu exagéré, mais ça existe : c’est un fait », nous assure Laurence Delhaes. Il est en relation constante avec le système nerveux central formant l’axe intestin-cerveau, permettant aux deux d’échanger des informations (la faim, l’anxiété…) mais aussi des molécules essentielles au bon fonctionnement du cerveau. Un déséquilibre du microbiote peut alors s’avérer délétère pour certaines de ses fonctions.

La dysbiose ou le moment où tout bascule

Jeanne Ducourneau

En général, il y a dysbiose lorsque ce microbiote fait face à des dérèglements. C’est une altération qualitative et fonctionnelle des communautés microbiennes d’un écosystème ou d’un organe, d’après Le groupe de travail de la SFM « MicMaC » cité par Laurence. Par exemple, un microorganisme prend le dessus sur les autres et, de ce fait, modifie la diversité du microbiote et les fonctionnalités liées. Bien que des liens aient déjà été établis entre la dysbiose du microbiote intestinal et certaines pathologies comme le diabète, l’état de cette flore intestinale ne peut être encore utilisé comme un marqueur de l’évolution ou de la dégradation d’une maladie. Et pour cause : les études sur le microbiote sont encore du domaine de la recherche et non du diagnostic. Actuellement, de nombreuses hypothèses lient la dysbiose à des maladies neurodégénératives telles qu’Alzheimer, Parkinson ou d’autres encore comme l’autisme et la dépression. Mais, il va falloir attendre d’avoir plus de données pour pouvoir bien définir comment l’utiliser comme un réel indicateur ou biomarqueur. C’est un sujet passionnant qui intéresse beaucoup, mais « il ne faut pas le survendre », d’où la nécessité de continuer les recherches.