© Maud Versteegen
Maud Versteegen
Aux confins de l’infiniment petit
Qui pourrait penser qu’un laboratoire de recherche où l’on questionne l’infiniment grand et l’infiniment petit se cache au cœur de la verdure dans le quartier Bersol à Gradignan ? Pourtant, c’est bien ici que se trouve le Laboratoire de physique des deux infinis de Bordeaux (LP2i). Maud Versteegen nous en a ouvert les portes le temps d’une rencontre où nous avons échangé sur son parcours et ses recherches.
Depuis 2010, Maud Versteegen est maître de conférences en physique à l’université de Bordeaux. Elle y donne ses cours tout en effectuant ses recherches au Laboratoire de physique des deux infinis de Bordeaux (LP2i), une unité mixte de recherche du CNRS et de l’université de Bordeaux.
Après les classes préparatoires, Maud Versteegen est entrée à l’École Nationale Supérieure de physique de Strasbourg, aujourd’hui appelée Télécom Physique Strasbourg. En parallèle de la 3ème année de formation d’ingénieur, elle s’est spécialisée avec un diplôme d’études approfondies (équivalent d’un master 2 aujourd’hui) en physique subatomique, l’étude des constituants élémentaires de la matière et des rayonnements.
Un modèle qui répond à presque tout : le modèle standard de la physique des particules
Maud Versteegen fait partie, avec sept autres chercheur·euse·s, du groupe de recherche sur les noyaux exotiques (NEX). Le cœur de sa recherche est focalisé sur des corps infiniment petits : les noyaux atomiques. Elle nous explique : « Ce sont les briques de la matière : les atomes sont constitués d’un noyau, lui-même composé de protons et de neutrons, entouré par les électrons. On s’intéresse aux noyaux exotiques qui sont instables, c’est-à-dire radioactifs. »
Une partie des activités de recherche utilise ces noyaux radioactifs pour tester des prédictions du modèle standard de la physique des particules. C’est une théorie qui décrit les particules élémentaires et leurs interactions et qui prédit pratiquement toutes les observations expérimentales mettant en jeu les interactions électromagnétiques faibles et fortes, ainsi que les 17 particules élémentaires identifiées à ce jour (six quarks, six leptons, quatre bosons de jauge et le Higgs).
Dispositif WISArD
©Maud VERSTEEGEN – LP2i
L’étude des noyaux instables par radioactivité bêta […] permet d’apporter de nouvelles contraintes fortes sur le contenu d’un nouveau modèle de physique [au-delà du modèle standard].
Plus d’hommes que de femmes dans la recherche ?
Maud Versteegen tend à nuancer cette idée reçue, vraie à une époque, mais qui change petit à petit, du moins dans le domaine de la physique subatomique. À l’université de Bordeaux, l’unité de formation de physique est dirigée par Claire Michelet depuis le début de l’année universitaire 2023. Toutefois, quand les échelons supérieurs de la hiérarchie sont passés à la loupe, les femmes restent minoritaires, hormis dans les services administratifs, « ce qui est bien dommage », souligne la scientifique.
Ainsi, le principe de « discrimination positive » est souvent évoqué comme une possibilité de faire bouger les choses. La démarche laisse la chercheuse perplexe, même si elle part d’une bonne intention. Elle explique : « Si tu obtiens un poste dans un contexte de ségrégation positive, tu ne sauras jamais si ta réussite est bien liée au mérite et ta situation est bancale vis-à-vis de tes collègues qui peuvent te déconsidérer. »
Si l’on approfondit le sujet, la parité devient de plus en plus plébiscitée dans différents contextes de la recherche. Par exemple, lors de l’édition 2023 de l’école thématique Joliot Curie que Maud Versteegen a co-organisée, une parité était souhaitée parmi les intervenant·e·s. Elle était embêtée, car la majorité des experts dans la thématique de l’école sont à première vue des hommes. Finalement, l’effort imposé par l’argument de parité a permis d’obtenir un bel équilibre entre des intervenants reconnus dans la communauté et des intervenantes plus jeunes aux activités scientifiques prometteuses. C’est pourquoi Maud Versteegen reste mitigée et ne parvient pas à se prononcer définitivement sur la manière d’amener le changement. Pourtant, plusieurs de ses collègues sont de fervents partisans de la discrimination positive et considèrent qu’il faut passer par ce chemin pour que les mentalités évoluent.
Un polytechnicien en thèse à la même période qu’elle l’a marquée par sa capacité à expliquer des concepts particulièrement compliqués par des analogies simples, en les rendant ainsi abordables. « Après une discussion avec lui, on se sent très intelligent ! », s’exclame la scientifique.
Julie Farinacci