LES CORPS EN SOCIÉTÉ

L’homme grec dans l’Antiquité, ou la naissance du corps sportif

En 2024, des milliers d’athlètes viendront à Paris pour les Jeux Olympiques. Pendant deux semaines, vous pourrez regarder derrière vos écrans des corps se mouvoir au rythme des épreuves. Lors des premiers Jeux Olympiques de l’histoire, nés en Grèce en l’an -776, c’est avant tout sous forme de sculpture que vous auriez pu admirer ces corps.

Dans l’Antiquité, les premières formes de sculptures grecques représentant le corps sont appelées kouroï. Caractéristique de l’époque archaïque (de -776 à -480), le kouros est une statue « d’un homme jeune, incarnation de l’idéal de beauté pour les Grecs » décrit Corinne de Thoury, maîtresse de conférences en esthétique et sciences de l’art au laboratoire Médiations, Informations, Communication, Arts (MICA) à l’Université Bordeaux Montaigne. Ces statues montrent un corps très raide dans une posture très fixe. De par cette posture et leur taille souvent imposante, les kouroï impressionnent le spectateur. Ils sont la figure usuelle de la dévotion que l’on rend à une divinité.

Le cavalier Rampin, vers 560 av. JC. Musée d’Athènes
© Roccuz - Wikimedia
L’histoire du corps

Pendant la période archaïque, une première évolution dans la fonction du corps sculpté apparaît. Les histoires mythologiques et notamment celles des héros grecs vont donner un prétexte à la sculpture pour raconter une histoire. Cela va faire naître les premières formes de mouvements dans la représentation des corps afin de les faire vivre. On peut observer ce phénomène dans la statue du Cavalier Rampin qui représente un homme assis à cheval.

L’architecture du corps

À partir de l’époque classique de l’Antiquité (de -480 à -323), la représentation des corps va tendre vers de plus en plus de réalisme. Réalisme qui va lui-même tendre vers une vision de plus en plus mathématique du corps. Tout comme l’architecture des bâtiments grecs qui répondaient à des normes géométriques obtenues par le calcul, l’idéal du corps répond à des canons de beauté basés sur une bonne proportionnalité entre les parties qui le composent. « Le beau peut alors s’incarner à travers des formules et des données objectives », explique Corinne de Thoury.

 

Dans le même temps, le mouvement des corps s’intensifie dans la sculpture grecque. Le pied va se décoller de son socle, les bras vont se plier et le bassin va se casser dans un mouvement de hanchement. Les épaules se mettent alors à pivoter et c’est ainsi que le corps dans son entièreté va être impliqué dans un mouvement. Ce mouvement crée une narration autour de la sculpture et aura pour impact de la replacer dans son environnement. Selon Corinne de Thoury, « l’œuvre n’est plus seulement une sculpture, c’est une sculpture avec le monde qui s’ouvre autour et cela a pour effet d’impliquer le spectateur dans la scène ».

 

Toutes ces caractéristiques se retrouvent dans le corps athlétique dont la représentation la plus célèbre est sûrement celle du Discobole. La tension du corps et la décomposition du mouvement sportif en ont fait une figure mythique de l’athlète olympique et un symbole du corps compétiteur toujours d’actualité.

Myron, Le Discobole, 450 av. JC. Copies romaine (120), Rome
© Livioandronico2013 - Wikimedia

La démonstration des corps

L’époque hellénistique de la Grèce antique (de -323 à -31) offre à la représentation du corps plus de sentiments, plus de sensibilité et plus d’expressivité. Il y a une véritable rupture avec le calme et la sérénité offerts par la période classique. Une nouvelle facette de la représentation des corps apparaît : le repos. Les sculptures de cette époque montrent l’état des corps après l’effort, à la fin d’une action. Le corps de l’athlète est toujours en mouvement mais il est las, il prend des postures plus souples qui expriment une certaine langueur. Le corps du héros grec Héraclès est par exemple représenté dans un moment de détente après avoir tué le Lion de Némée.

 

L’art de la période hellénistique ne fait plus seulement du beau un respect des proportions mathématiques mais instaure le beau des sentiments. Cela permet au spectateur de s’impliquer dans la sculpture en laissant libre cours à son interprétation devant les émotions qui lui font face.

 

Après deux millénaires, la plupart des disciplines qui furent pratiquées lors de la première édition des Jeux Olympiques le sont toujours. Une nouvelle occasion de découvrir toutes les facettes du corps sportif, entre formes, expressions et symboliques.

L’Hercule Farnèse, vers 390, copies romaines, Naples
© Marie-Lan Nguyen - Wikimedia

Dana Fontana