CORPS À LA LOUPE

Les parasites : les maîtres de la manipulation

Plongez dans le monde énigmatique des parasites, dont les capacités à coloniser un hôte garantissent la survie. Xavier Montaudouin, chercheur en biologie marine et spécialiste de l’écologie parasitaire, nous dévoile un peu plus ce monde peu connu.

Un parasite est une espèce qui tire un bénéfice d’un organisme vivant d’une autre espèce (l’hôte), pendant toute sa vie ou une partie de celle-ci. Il vit sur ou dans le corps de l’hôte, parfois dans ses cellules. L’hôte, quant à lui, subit des préjudices liés à cette association. Pourtant, les parasites font partie intégrante de l’écosystème, « ils représentent près de 40 % de la diversité », souligne Xavier Montaudouin, professeur des universités et directeur de recherche au laboratoire EPOC (Environnements et Paléoenvironnements Océaniques et Continentaux). En mars 2021, après des années d’études, il publie, en collaboration avec d’autres scientifiques, un atlas des parasites et maladie de la coque commune (Cerastoderma edule).

photo d'une coque commune (Cerastoderma edule) mesurée sur sa longueur de coquille
© Xavier Montaudouin

Des êtres vivants astucieux

« Pour que la rencontre entre le parasite et son hôte puisse avoir lieu, le parasite va devoir franchir deux filtres », explique le chercheur. 

 

Le premier filtre est celui de la rencontre, il définit la probabilité de contact entre un organisme parasite et son hôte potentiel. Afin de détecter l’hôte, certains parasites possèdent des détecteurs appelés « chimiorécepteurs », des récepteurs de substances chimiques. D’autres vont être attirés par la chaleur de l’hôte comme les tiques, tandis que certains vont être attirés par le milieu dans lequel vit l’hôte. Xavier Montaudouin nous donne un exemple avec les trématodes, un groupe d’espèces qu’il a beaucoup étudié. Certaines espèces de cette famille de parasites ont développé des photorécepteurs leur permettant de s’orienter par rapport à la lumière, donc par rapport à la surface et ainsi de venir dans la tranche d’eau la plus occupée par l’hôte. Les parasites s’adaptent afin d’être présents au bon endroit au bon moment. « Un rendez-vous, c’est un lieu, mais c’est aussi un moment », illustre le scientifique. 

 

Le deuxième filtre auquel doivent faire face les parasites est celui de la compatibilité. La défense la plus efficace que possèdent les hôtes est leur système immunitaire, et pour passer outre cette barrière, le parasite ne manque pas d’imagination. En effet, certains ont développé des techniques de camouflage. Afin d’être invisibles aux yeux du système immunitaire, les parasites arrivent à synthétiser et recouvrir leur corps des mêmes molécules que celles du système immunitaire de l’hôte, le rendant ainsi inefficace. D’autres se cachent dans des kystes, cavités situées dans un organe ou tissu et délimité par une paroi épaisse et résistante qui leur est propre. Les trématodes usent de stratagèmes encore plus subtils pour atteindre leurs hôtes.

Centaine de métacercaires infestant le pied d'une coque
© Xavier Montaudouin

Les trématodes, rois de l’influence

Les trématodes, qui sont des vers plats, font partie d’un grand groupe de parasites métazoaires. Ces derniers infectent une grande diversité d’organismes, allant des mollusques marins aux mammifères. Les trématodes ont un cycle de vie complexe, c’est-à-dire qu’ils infectent plusieurs hôtes au cours de leur vie. Xavier Montaudoin les a beaucoup étudiés à travers ses recherches sur la coque commune. La particularité de ces mollusques est qu’ils abritent un grand nombre de parasites, environ une quinzaine d’espèces de trématodes. Le chercheur et son équipe observent l’impact des parasites sur la croissance et la mortalité des hôtes. Ils se questionnent également sur ce que peut renseigner la présence de trématodes dans le milieu. 

 

Les trématodes se distinguent par leur adaptabilité et leurs mécanismes de manipulation subtils. En effet, du fait de leur cycle de vie complexe, ils sont devenus maîtres dans l’art de manipuler. Un exemple frappant est la façon dont certains d’entre eux parasitent le gammare (Gammarus sp.), petit crustacé ressemblant à une crevette. Le trématode va manipuler le gammare dans le but de le rendre sensible à la prédation. D’ordinaire, quand celui-ci se sent menacé, il se réfugie en plongeant dans le sable pour se cacher. Cependant, lorsque le parasite le manipule, ce réflexe disparaît, le rendant ainsi plus vulnérable aux prédateurs. Cette manipulation va faciliter le passage du parasite vers son hôte dit définitif. En fin de compte, l’extraordinaire capacité des trématodes à manipuler les gammares démontre la complexité des interactions entre les parasites et leurs hôtes. Leur rôle dans les écosystèmes ne cesse d’intriguer, mettant en lumière l’ingéniosité de la nature.

Photo au microscope électronique à balayage d'un stade larvaire (métacercaires) de parasite du groupe des trématodes.
© Xavier Montaudouin

Clélie Henno