Photographie en noir et blanc d'Hannah Kaminski. La jeune femme est penchée en direction de l'objectif, elle sourit. Elle a les cheveux longs et ondulés et porte des boucles d'oreille et un maquillage léger

© Hannah Kaminski

Hannah Kaminski

La recherche au service de la médecine

Hannah Kaminski est à la fois médecin au Centre hospitalo-universitaire (CHU) de Bordeaux et chercheuse au laboratoire Immunoconcept où elle étudie la réponse immunitaire du corps humain face au cytomégalovirus après une greffe de rein. Son double statut lui permet de donner du sens à ses recherches en se basant sur ce qu’elle observe chez les patient·e·s qu’elle reçoit en consultation à l’hôpital. 

Médecin et chercheuse : deux métiers très différents

Les études de médecine sont réputées pour être longues. Qu’en est-il alors quand on y intègre une filière scientifique ? Hannah Kaminski a réussi à imbriquer les deux. Des cours supplémentaires et un stage en laboratoire lui ont permis de valider l’équivalent d’un master de recherche pendant ses années d’internat (1). C’est après son clinicat (2) où elle exerçait en tant que médecin qu’elle se lance dans une thèse pendant quatre ans. Ce parcours de recherche peut être commencé dès la deuxième année de médecine mais en l’intégrant plus tardivement, Hannah a pu lier son sujet de thèse et ce qu’elle observait chez les patient·e·s de l’hôpital. C’est ce qu’on appelle la recherche translationnelle. « Si en tant que médecin, on s’intéresse à une maladie, faire de la recherche permet de mieux comprendre comment elle fonctionne », explique Hannah. Cependant, les métiers de chercheuse et de médecin sont très différents et il lui a fallu apprendre les techniques de laboratoire : par exemple, la culture cellulaire qui permet de faire grandir des cellules en dehors de l’organisme pour pouvoir mener des expériences. Elle se sert également de la cytométrie en flux pour compter et classer les différentes populations de cellules étudiées.

1 : Les étudiant·e·s en médecine sont internes à partir de la 7e année. Pendant 4 à 6 ans, ils/elles font partie d’une équipe médicale sous la responsabilité des praticien·ne·s qui les forment et suivent également des enseignements théoriques.

 

2 : Le clinicat est une période facultative de deux ans après l’internat où le·la docteur·e nouvellement diplômé·e est chargé·e des soins et de la formation d’étudiant·e·s en milieu hospitalier.

L’envie de nouer une relation avec les patient·e·s

Pendant ses études de médecine, Hannah s’intéresse aux maladies infectieuses. Au cours de sa formation, un stage en service de transplantation rénale la met face à de nombreux cas d’infections dues aux traitements anti-rejet administrés après une greffe. Elle comprend alors la forte relation entre l’hôte et le microbe. Hannah a également trouvé dans le service de néphrologie le côté humain qu’elle recherchait. En effet, après une greffe, les patient·e·s sont suivi·e·s et reviennent régulièrement la voir, lui permettant de nouer une certaine relation avec eux/elles et avoir une vision plus large de leur parcours.

Photographie de différentes plaquettes de médicaments de différentes formes et tailles, dans les tons de bleus et de gris froids.

Les traitement anti-rejet visent à éviter que le système immunitaire du/de la patient·e transplanté·e rejette le nouvel organe, considéré comme étranger par le corps.

© Christine Sandu – Unsplash

Si en tant que médecin, on s’intéresse à une maladie,

faire de la recherche permet de mieux comprendre

comment elle fonctionne.

Mesurer la réponse immunitaire pour améliorer la qualité de vie

Hannah fait partie d’Immunconcept, un laboratoire du CNRS et de l’université de Bordeaux pour lequel l’Inserm est un partenaire majeur. Au sein de son équipe de recherche, elle cherche à comprendre la réponse du système immunitaire vis-à-vis du cytomégalovirus après une transplantation d’organes. Cet herpèsvirus est connu pour son risque d’atteinte du fœtus chez la femme enceinte, pouvant provoquer une surdité chez le nouveau-né. Attrapé par un individu en bonne santé, il passe généralement inaperçu car reste dormant à l’intérieur des cellules du corps. Cependant, après une greffe, les traitements anti-rejet affaiblissent le système immunitaire du/de la patient·e qui présente alors plus de risque d’être malade à cause du virus. 

Pourquoi s’intéresser spécifiquement au cytomégalovirus ? « On a remarqué que suite à une infection au cytomégalovirus, la population de lymphocytes T gamma delta (des cellules impliquées dans la réponse immunitaire, ndlr) s’amplifie dans le sang des patient·e·s, en corrélation avec la guérison de l’individu, explique-t-elle. C’est à partir de cette observation que l’étude a commencé. » Ces cellules pourraient ainsi servir de biomarqueurs pour définir quel·le·s patient·e·s auraient le plus de risque d’être malades et donc à qui administrer un traitement préventif. Cette personnalisation de la prise en charge après une transplantation permettrait une meilleure consommation des traitements qui, en plus de présenter un certain coût, peuvent avoir des effets toxiques sur le corps.

Une bannière où on peut voir une photo en noir et blanc d'un homme et d'une femme en tenue chirurgicale (charlotte, masque, blouse et gants jetables). Ils manipulent des pinces chirurgicales sous un projecteur. Des lignes colorées habillent la bannière. En-dessous est écrit "HORUS" et "Funded by the European Union"

Le projet Horus vise à étudier les interactions hôte/cytomégalovirus lors de transplantation d’organes en réunissant 24 partenaires européens de disciplines différentes.

© Horus project

Une problématique qui ne date pas d’hier

Prédire la réponse du système immunitaire s’avère complexe car elle implique de multiples acteurs cellulaires. Pour encourager la recherche fondamentale dans la compréhension de la relation hôte/virus, le projet horizon Europe 2021-2027 a accordé à l’équipe de recherche un financement pour développer un outil de mesure de la réponse immunitaire qui prendrait en compte tous les acteurs du contrôle de cette réponse et l’impact des différents traitements anti-rejet. Cet axe de recherche implique d’autres laboratoires à travers l’Europe afin de croiser les disciplines et les connaissances sur le système immunitaire.

Recherche publique et recherche privée : une réelle compétition ?

Nous avons interrogé Hannah sur un a priori qui entoure la recherche dans le domaine de la santé : les laboratoires privés et publiques seraient en compétition par rapport aux financements et à l’acquisition des connaissances. Hannah voit plutôt ces deux types de recherche comme complémentaires. « Elles n’en sont pas au même moment du développement des connaissances », ajoute-t-elle. En effet, les industriel·le·s peuvent être intéressé·e·s par la recherche clinique menée par les médecins chercheur·e·s pour tester certaines molécules dans une situation particulière. Hannah nous donne l’exemple d’Agathe Depaire, une doctorante de l’université de Bordeaux qui étudie les cellules immunitaires de la peau et travaille à la fois avec Immunoconcept et une entreprise ayant développé une peau artificielle.

Cependant, entre deux laboratoires travaillant sur le même sujet, « la différence ne se fera pas au niveau des “cerveaux” mais au niveau des financements » comme le dit Hannah. Selon elle, il y aurait plus de compétition entre les laboratoires académiques qui se placent au même niveau de la recherche.

Hannah nous partage une citation de Daniel Cordier par laquelle elle avait débuté sa thèse :

« Il n’y a que les passionnés qui vivent, les raisonnables durent. »

Pour elle, être heureux·se dans son travail est l’un des plus grands bonheurs. Même si la recherche semble être un métier difficile, si c’est vraiment ce qui nous plaît, « il faut foncer ! ».

Éléonore Verne