Portrait Florian Levet
© Corey Butler

Florian Levet

Mêler recherche et ingénierie au service des neurosciences

Décoder les rouages du cerveau nécessite une amélioration constante des techniques de microscopie et d’analyse d’image. Florian Levet, ingénieur de recherche à l’Institut interdisciplinaire de neurosciences et au Bordeaux imaging center, nous décrit son métier : développer de nouveaux outils informatiques appliqués à la recherche en biologie, et en particulier aux neurosciences.

De prime abord incertain d’être « bon » dans cet exercice, Florian Levet se prête volontiers au jeu du portrait et nous donne rendez-vous dans son laboratoire situé au Bordeaux Neurocampus. Ingénieur pour la plateforme de microscopie Bordeaux imaging center ou BIC (CNRS – université de Bordeaux), il travaille aussi en tant qu’ingénieur « à l’appui de la recherche » pour l’Institut interdisciplinaire des neurosciences ou IINS (CNRS – université de Bordeaux), dans l’équipe « imagerie cellulaire quantitative » dirigée par Jean-Baptiste Sibarita. Il nous confie : « Je suis arrivé dans la recherche un peu par « accident ». »

De l’informatique à l’imagerie des neurosciences

Après des études dans un institut universitaire de technologie à Bordeaux, suivies d’une licence et d’une maîtrise, « j’ai été formé à l’informatique », raconte Florian Levet. Il poursuit une thèse en informatique graphique au Laboratoire bordelais de recherche en informatique ou LaBRI (CNRS – université de Bordeaux – Bordeaux INP). Plongé dans un univers technique, il explique avec précision ce qu’il a appris : créer des modèles 3D à partir d’esquisses 2D, échantillonner des surfaces définies mathématiquement… Son sujet de thèse le mène à l’analyse et au traitement géométrique bien qu’il soit toujours resté éloigné de la biologie jusqu’à l’annonce d’un poste au BIC. « Cette thèse n’a absolument rien à voir avec l’imagerie ni la biologie. L’opportunité de rejoindre ce domaine s’est présenté et je l’ai saisie », appuie-t-il. Quelques temps plus tard, il est missionné par le BIC pour effectuer son activité de recherche au sein de l’IINS, cette fois-ci pour faire corps avec la science, dans des thématiques de recherche liées à la biologie et aux neurosciences.

« Mon travail consiste à créer de nouvelles méthodes, des outils numériques pour analyser des images biologiques et aider les biologistes à trouver du sens dans ses leurs données. Je m’intéresse principalement à un type de microscopie particulier, dit de super-résolution par localisation de molécules individuelles. Lorsque les protéines d’intérêt sont illuminées, on est capable d’activer et donc de voir seulement un petit nombre de molécules à la fois. Je détermine ensuite les positions des molécules dans l’espace et j’obtiens ce qu’on appelle un nuage de points. Après cela, on va pouvoir identifier la taille de certains agrégats de molécules observés par les biologistes. Je développe donc des méthodes pour faire ces mesures, mais une vraie partie de mon travail c’est de les mettre à disposition des biologistes, j’ai pour cela créé 3 logiciels. »

Exemple d’imagerie développée par Florian Levet

Exemple d’imagerie développée par Florian Levet

© Rémi Galland, Etienne Herzog, David Perrais, Florian Levet, Jean-Baptiste Sibarita, Univ. Bordeaux, CNRS, Interdisciplinary Institute for Neuroscience, IINS

Mes outils servent à de nombreux·ses scientifiques.

Schéma d'une synapse entre deux neurones créé avec BioRender.com

Schéma d’une synapse entre deux neurones créé avec BioRender.com

Un neurone modélisé numériquement

En 2020 est lancé le projet ANR NANO-SYNATLAS, coordonné par Florian Levet en collaboration avec Olivier Thoumine, directeur de recherche et chef de l’équipe « molécules d’adhérence cellulaire dans l’assemblage synaptique » de l’IINS. Pour ce projet, l’objectif de l’ingénieur est de combiner plusieurs techniques de microscopies de super-résolution pour situer, de manière automatique, des protéines à l’intérieur des neurones. À terme, l’équipe souhaite développer un atlas des protéines associées à la synapse, certaines étant localisées dans l’épine dendritique, et d’autres dans le bouton synaptique.

La recherche : décourageante ?

Si le monde de la recherche est souvent associé à une course effrénée à la publication, résumée à la formule simple mais cruelle « publish or perish », Florian Levet se montre confiant et rassurant : « Certes, je consacre plus de temps au développement d’outils numériques qu’à écrire des papiers, mais je sais que mes outils servent à de nombreux·ses scientifiques. C’est une vraie récompense. » Si son statut d’ingénieur et de personnel permanent le laisse à l’abri de cette course insensée, il admet résolument que ce système n’est pas facile pour les acteurs de la recherche française (étudiant·e·s en thèse, post-doctorant·e ·s et chercheur·euse·s), de plus en plus poussés dans ce cercle vicieux : « Les financements pérennes étant de plus en plus faibles, il faut alors faire de plus en plus de projets. Et sans publications, il est compliqué d’obtenir les financements à ces projets. » Similairement, le faible nombre de recrutement permanent au concours accélère cette course à la publication, avec des candidat·e·s ayant des profils surqualifiés pour les postes proposés. Une situation complexe pour le monde de la recherche actuel mais qui ne décourage pas l’ingénieur, reconnaissant envers son entourage professionnel : « J’aime développer mais j’aime surtout la recherche interdisciplinaire et la liberté qu’elle apporte. Je suis entouré de personnes intéressantes et très fortes dans leur domaine, c’est une émulation permanente. »

Un message implicite est transmis dans ce portrait : comprendre le fonctionnement du cerveau implique aussi de repenser la manière dont nous l’observons. À Bordeaux Neurocampus, le BIC est une unité d’appui à la recherche, où les scientifiques utilisent l’imagerie cellulaire pour observer les mécanismes de la vie, de la santé et des plantes. À l’IINS, l’équipe « imagerie cellulaire quantitative » est une équipe de recherche et développement, en microscopie et imagerie.

Eloïse Meyer