© Émilie Pacary
Émilie Pacary
Portrait d’une chercheure en neurosciences
Nous avons rencontré Émilie Pacary, chercheure au Neurocentre Magendie de l’Inserm et l’université de Bordeaux au sein de l’équipe Neurogénèse et physiopathologie. Dans le bureau qu’elle occupe, au côté du postdoctorant qu’elle encadre, elle nous raconte son parcours et son expérience professionnelle au travers des projets qui l’ont poussée à se lancer corps et âme dans les neurosciences.
Un fil rouge cérébral
Émilie Pacary a grandi dans la région Normandie. Avec son bac général en poche, elle entame ses études par un diplôme universitaire de technologie (DUT) en génie biologique pendant deux ans. Elle continue son parcours avec une maîtrise des sciences et techniques spécialisée en physiologie et biologie appliquées réalisée à Rouen. Pendant sa deuxième année de maîtrise, elle passe deux mois de stage au laboratoire Cyceron de l’université de Caen qui travaille sur les accidents vasculaires cérébraux (AVC). Elle persévère dans cette voie avec une année de diplôme d’études approfondies (DEA) puis une thèse dans ce même laboratoire où elle travaille alors sur des stratégies permettant de traiter les AVC plus tardivement. C’est durant ces trois années de thèse qu’Émilie Pacary va réellement faire son « entrée dans le monde de la neurogénèse ». Pour approfondir son expertise, elle s’installe à Londres pour cinq années de post-doctorat. Elle s’intéresse alors particulièrement à la migration des neurones dans le cerveau au cours de la phase embryonnaire. En 2012, retour en France au Neurocentre Magendie de l’Inserm et l’université de Bordeaux où elle obtient un poste permanent de chercheure. Cette nouvelle étape est l’occasion de combiner ce qu’elle a appris sur le cerveau embryonnaire pendant son post-doctorat et sur le cerveau adulte pendant sa thèse afin de « comprendre les différences entre les neurones générés au cours du développement et ceux générés à l’âge adulte ».
Le cerveau au cœur de la recherche
Émilie Pacary travaille la neurogénèse, le processus qui permet à une cellule souche de se différencier en neurone. Nous savons depuis longtemps que ce processus se déroule durant la vie fœtale et les premières années de la vie d’un individu. Mais ces 20 dernières années, il a été démontré chez la plupart des mammifères que la neurogenèse se déroule également durant la vie adulte, c’est-à-dire que de nouveaux neurones sont générés tout au long de la vie d’un individu. Chez l’être humain, le débat sur l’existence de ce phénomène n’est pas encore tranché. Malgré tout, il semblerait que des cellules immatures identifiées dans le cerveau soient capables de devenir des neurones à l’âge adulte et plus particulièrement dans une zone très précise du cerveau qui se nomme le gyrus denté de l’hippocampe. C’est une structure utile dans les fonctions de mémoire et de régulation des émotions. La chercheure tente de mettre en lumière les différences qu’il existe entre les neurones générés pendant le développement et ceux générés dans l’hippocampe à l’âge adulte.
Image de neurones granulaires dans le gyrus denté d’une souris adulte
Granular neurons of the dentate gyrus generated in an adult mouse and labelled thanks to an injection of retrovirus coding for GFP and after clearing of the brain.
C’est un beau métier mais il ne faut pas le faire
si on n’est pas passionné.
Un projet de vie
Image de neurones granulaires dans le gyrus denté d’un cerveau postnatal
Granular neurons of the dentate gyrus generated in the early postnatal brain and labelled thanks to an injection of retrovirus coding for GFP or RFP.
© Thomas Kerloch, Émilie Pacary (Neurocentre Magendie, Univ. Bordeaux, INSERM)
Durant sa carrière au sein du Neurocentre Magendie, Émilie Pacary a participé à un projet de recherche financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) intitulé « Développement et fonction de nouveaux neurones dans l’hippocampe adulte : exploration du rôle clé joué par Rnd2 ». Elle s’est intéressée à une famille de protéines, les RhoGTPases et en particulier à Rnd2 car c’est le seul membre de cette famille particulièrement enrichi dans la zone du cerveau où se produit la neurogénèse adulte. Afin d’étudier ce gène, elle a réalisé des tests sur des souris qui ont consisté à empêcher le gène de fonctionner dans les neurones nouvellement générés à l’âge adulte et ce afin de déterminer les conséquences sur leur développement mais aussi l’impact sur le comportement de l’animal. Les résultats ont montré que Rnd2, présent dans le cerveau embryonnaire et adulte agissait plus particulièrement sur les neurones générés à l’âge adulte. Les souris n’exprimant pas le gène Rnd2 à l’âge adulte étaient significativement plus anxieuses lors des tests comportementaux réalisés.
Le chercheur, une espèce solitaire ?
Émilie Pacary acquiesce quant à l’existence de ce préjugé. Il existe dans la société une image erronée du chercheur qui travaillerait tout seul, « avec ses petites lunettes et son petit microscope ». Mais le chercheur doit effectuer de nombreuses tâches en dehors de son laboratoire, ce n’est d’ailleurs pas là qu’il passe la majorité de son temps de travail. En effet, le chercheur doit régulièrement trouver de nouveaux financements, encadrer des étudiants et participer à de nombreux jury d’évaluations, ou encore lire de nombreuses publications de ses confrères et consœurs pour suivre l’actualité de la recherche. Selon Émilie Pacary, « c’est difficile de faire de la recherche tout seul dans son coin » car toutes les équipes de recherche doivent faire des collaborations avec d’autres laboratoires. « Il faut vraiment interagir le plus possible avec d’autres chercheurs », cela permet de discuter de ses résultats mutuels mais également de se conseiller et de proposer des idées.
Pour aller plus loin :
L’action de la protéine Rnd2 dans le gyrus denté et le rôle dans le comportement :
Kerloch, T., Farrugia, F., Bouit, L. et al. The atypical Rho GTPase Rnd2 is critical for dentate granule neuron development and anxiety-like behavior during adult but not neonatal neurogenesis. Mol Psychiatry 26, 7280–7295 (2021). https://doi.org/10.1038/s41380-021-01301-z
Émilie Pacary nous a raconté l’un des souvenirs les plus marquants de sa carrière. Pendant son post-doctorat, elle a réussi à monter une vidéo de migration des neurones dans le cerveau qui confirmait tous les travaux antérieurement effectués. Le moment où elle a montré cette vidéo à ses collègues est encore gravé dans sa mémoire car en recherche beaucoup de travaux ne mènent pas directement à des résultats. Pour elle c’était « un petit moment de joie qui fait du bien car on y avait passé beaucoup de temps ». Elle conclut la narration de ce souvenir par un commentaire : « c’est un beau métier mais il ne faut pas le faire si on n’est pas passionné ».