Portrait de la chercheuse Elise Goujard

© François BONNO

Elise Goujard

Le monde géométrique d'une chercheuse passionnée

Plongée dans l’univers complexe de la géométrie, Elise Goujard, maîtresse de conférences à l’université de Bordeaux, partage son parcours empreint de passion et d’exploration mathématique. Elle nous offre un regard unique sur la vie d’une chercheuse évoluant dans les dédales de la géométrie contemporaine. Depuis sa découverte des profondeurs des théories mathématiques en prépa scientifique jusqu’à son engagement dans le projet ANR MoDiff.

Le chemin vers la découverte : les origines de la passion pour la recherche

Elise Goujard est maîtresse de conférence en géométrie à l’université de Bordeaux. Elle a commencé ses études par une prépa scientifique avant d’intégrer l’École Normale Supérieure (ENS) de Rennes. Elle a ensuite fait un master puis une thèse et enfin trois ans de post-doctorat à Bonn et Orsay avant d’intégrer l’institut des mathématiques de Bordeaux (université Bordeaux – CNRS – Bordeaux INP). C’est lors de son arrivée en prépa qu’elle découvre réellement les mathématiques, « des mathématiques si différentes du lycée, avec des théories plus profondes, plus abstraites », raconte Elise Goujard. Plus elle avançait dans les études, plus son goût pour cette matière se renforçait. Sa plongée dans le monde de la recherche a été amorcée par sa thèse, axée sur l’étude des trajectoires périodiques sur certaines surfaces. La chercheuse apprécie particulièrement, dans ses activités de recherche, la capacité à mettre à l’épreuve ses intuitions. Selon elle, le processus qui précède l’obtention d’un résultat peut être à la fois créatif et empreint d’imagination.

Moments forts d'une carrière

Pour Elise Goujard, il n’y a pas un moment précis, mais c’est plutôt plusieurs petits moments qui l’ont marquée au cours de sa carrière. Elle nous explique que dès que quelque chose se débloque en mathématiques, cela lui procure une sensation incroyable, « c’est d’ailleurs pour ça qu’on continue à faire des mathématiques » confie-t-elle en rigolant. Cette passion pour la résolution de problèmes trouve son écho dans une anecdote qu’elle nous raconte : alors qu’elle rentrait d’une conférence où elle avait présenté un problème sur lequel elle bloquait depuis des mois, c’est au détour d’une conversation avec une personne présente au séminaire qu’elle trouva le petit ingrédient qui lui manquait pour tout éclaircir, éclairant ainsi le chemin de sa recherche.

Statistiquement, il y a encore trop peu de femmes 

dans le monde des mathématiques

Faire corps avec les mathématiques : l’objectif du projet ANR MoDiff

C’est dans cet esprit vibrant d’exploration et de découverte qu’Elise Goujard nous présente son projet ANR MoDiff. Sur son grand tableau blanc rempli de schémas et de formules incompréhensibles pour le citoyen non averti, elle nous explique l’objectif du projet. Son équipe et elle s’intéressent aux espaces de module des différentielles. Elise Goujard nous explique qu’un espace de module est un ensemble qui représente toutes les différentes façons dont une structure géométrique peut être configurée tout en préservant certaines propriétés essentielles. Globalement, cela paramétrise les différentes variations de forme d’un objet. Ici l’objet est ce qu’on appelle des différentielles, que l’on peut également voir comme des surfaces plates. Dans le cadre de leurs recherches, les membres du projet ANR s’intéressent notamment à la dynamique des billards dans les polygones rationnels, plus spécifiquement à la géométrie et la dynamique des trajectoires d’une bille dans un billard polygonal.   

schéma d'une trajectoire d'une bille dans un billard en forme de L. La trajectoire n'est ni périodique (la bille ne revient jamais à son point de départ), ni uniformément distribuée dans la table (la bille ne visite pas certaines régions de la table, et elle passe plus de temps dans certaines régions que dans d'autres).

Trajectoire d’une bille dans un billard en forme de L

© Elise GOUJARD

Être une femme dans un « monde d’homme »

« Statistiquement, il y a encore trop peu de femmes dans le monde des mathématiques », déplore Elise Goujard. Elle est la seule femme permanente de son équipe, selon elle, il n’y a aucune cause scientifique valable de dire que les femmes seraient plus au moins disposées aux mathématiques. Le seul motif serait dû à des raisons de stéréotypes sociaux, il n’y a pas encore assez de choses mises en place pour que les femmes qui veulent faire des mathématiques puissent le faire. 

Depuis plusieurs années, de nouvelles actions sont établies afin de veiller à améliorer la parité, sauf que ces nouvelles mesures sont à double tranchant pour les chercheuses. Elise Goujard explique qu’au sein des comités de recrutement, il existe un quota qui est de l’ordre de 40% de femmes et d’hommes. Le problème étant qu’actuellement, les enseignantes chercheuses fondamentales sont beaucoup moins nombreuses que le quota prévu (environ 14% en 2021). Elles sont donc plus sollicitées pour l’administratif que leurs collègues masculins. Les femmes passent donc plus de temps sur l’administratif et donc moins de temps sur la recherche que les hommes. Cette réalité complexe témoigne des défis auxquels les femmes dans le domaine de la recherche mathématique font face, en naviguant entre l’administratif et la recherche, souvent avec des responsabilités disproportionnées.    

 Une personne qui l’inspire ?  Maryam Mirzakhani est une mathématicienne très inspirante pour Elise Goujard, c’est la première femme et la première personne de nationalité iranienne à avoir reçu le prix médaille Fields. Elise Goujard a étudié ses mathématiques pour sa recherche et elle a eu la chance de la rencontrer. Elle nous décrit une femme humble, inspirante et extraordinaire.

Clélie Henno