Photographie Déborah Corso

© université de Bordeaux

Déborah Corso

Des racines à la cime : la survie des arbres face à la sécheresse

Alors que les périodes de sécheresse s’intensifient et se rallongent, les arbres luttent discrètement pour leur survie. Déborah Corso, post-doctorante en écophysiologie des plantes au sein du laboratoire Biogeco de Bordeaux, travaille sur la réponse des arbres à cette aridité. Elle nous accueille dans son bureau, un matin étrangement ensoleillé et chaud de novembre.

S’intéresser aux végétaux : un parcours de longue durée

Lors de sa licence en biologie à Dijon, Deborah Corso s’intéressa d’abord à l’application de la biochimie. C’est au cours de travaux pratiques et d’expériences qu’elle décida de s’en détacher pour découvrir d’autres domaines de la biologie. L’initiation au cours d’écologie l’a beaucoup plus interpellé et captivé, mais pas spécialement les sciences végétales. Elle nous précise : « À la fac, les sciences végétales m’intéressaient peu, ça s’est vraiment développé avec le temps et les expériences. » Arrivée sur Bordeaux, elle effectue un master en biologie et fonctionnement des écosystèmes terrestres.

Une question restait en suspens : se diriger vers un master professionnel de terrain ou de recherche ? Pour y répondre, rien de mieux que d’aller voir directement au sein des laboratoires. Son stage de première année de master s’est effectué au sein même du laboratoire Biogeco. 

Au terme de son master, elle effectue sa thèse en Australie, toujours en lien avec le laboratoire Biogeco. Elle termine son doctorat en France, bloquée par l’épidémie de 2020. Actuellement en post-doctorat, cela fait maintenant deux ans qu’elle travaille sur un sujet de recherche bien précis.

Si nous travaillions seuls, chacun ferait la même chose dans son coin et ce serait impossible d’avancer.

« Les enjeux de la recherche sont aussi sociétaux. »

La forêt expérimentale de Floirac s’étend sur plus de douze hectares de verdure, avec le célèbre observatoire d’astronomie. C’est au cœur de cette forêt que Déborah Corso effectue ses recherches et récolte ses données. Avec l’aide d’un autre chercheur et le soutien d’un ingénieur, plusieurs questions se posent sur cette forêt.

D’abord, comment les espèces qui vivent dans ce milieu répondent aux fluctuations environnementales ? Déborah Corso souligne : « L’avantage, c’est que nous sommes dans un contexte urbain. Actuellement, revégétaliser les villes est une thématique qui est très en vogue, mais nous ne savons pas réellement comment les arbres réagissent en ville contrairement aux grandes forêts. » 

Depuis mars 2022, elle se questionne sur les réactions individuelles des espèces de cette forêt face aux changements climatiques, mais également l’effet feed-back de la forêt sur la ville. En d’autres termes, quantifier la surface de forêt nécessaire pour avoir un effet rafraîchissant sur les villes. Véritable projection sur la végétalisation future de nos villes, ces résultats de recherches seront directement applicables dans nos sociétés. 

Photographie dendromètre

Photographie dendromètre

© Déborah Corso

Les capteurs, outils essentiels pour comprendre les arbres

Déborah Corso s’intéresse à la physiologie des arbres, c’est-à-dire les fonctionnements internes de leur corps, mais aussi les dysfonctionnements. Les suivis se font de manière continue, avec des données arrivant toutes les demi-heures.

Les capteurs posés au sein de la forêt expérimentale de Floirac sont nombreux et jouent un rôle central. Des mesures de croissance radiale (diamètre de l’arbre) s’effectuent grâce à des dendromètres. Mais comment le diamètre d’un arbre nous informe sur les stratégies des arbres face à la sécheresse ?

« Nous utilisons la variabilité journalière d’un arbre : la journée, il transpire au niveau des feuilles et perd de l’eau. Cela se voit au niveau du diamètre grâce aux capteurs. La nuit, l’arbre se recharge en eau et le diamètre augmente. Il est intéressant de voir dans un cadre de sécheresse la différence de bilan en perte d’eau (ou non) entre les espèces », nous explique-t-elle.

En plus de cela, des capteurs de flux de sève : eaux et minéraux absorbés par les racines et montent dans l’arbre, sont disposés. Grâce à eux, il est possible de déduire la quantité d’eau transpirée par un arbre de manière journalière.

Beaucoup d’autres capteurs sont présents sur le domaine de Floirac. Suivi météorologique général, petites stations météo dispersées en forêt, des sondes allant à plus d’un mètre dans le sol pour mesurer la température et l’humidité… Tous ces facteurs sont importants pour restituer l’arbre dans son contexte exact. L’ensemble de l’environnement physico-chimique influence sur les arbres et leur fonctionnement, ils ne sont donc pas à omettre pour comprendre les dynamiques physiologiques.

La recherche en science végétale se fait-elle seule en pleine nature ?

Déborah Corso s’exclame : « Pour moi, c’est impossible de faire de la recherche dans son coin, je ne sais même pas si certains de mes collègues travaillent réellement seuls ! Et pour nous, ce serait tellement dommage de travailler sans collaboration ! »

Une des missions du métier de chercheur, c’est de communiquer avec la communauté scientifique, par les publications et les conférences notamment. Cela est nécessaire rien que pour effectuer des projets de recherches, les mettre en place, les mener à bien et ne pas faire les mêmes recherches simultanément. « Si nous travaillions seuls, chacun ferait la même chose dans son coin et ce serait impossible d’avancer. »

L’image des chercheurs en science végétale est souvent celle de journées entières aux côtés des plantes. Déborah Corso réagit : « Le terrain, ça dépend tellement du sujet de recherche et par période. Pour les six prochains mois, j’ai terminé d’aller sur le terrain : difficile de travailler sur les feuilles en automne et en hiver… » Le terrain, ce n’est pas toute l’année : il y a beaucoup de travail sur ordinateur. L’analyse de données prend énormément de temps, rien que pour nettoyer le jeu de données, le rendre exploitable (mettre les données sur la même unité par exemple). Déborah Corso ne met pas encore en lien les données, car il y a plus de 500 variables à nettoyer pour pouvoir les analyser ! Pour donner un ordre de grandeur, cela fait plusieurs mois qu’elle travaille sur cet aspect.

Se levant de son bureau, Déborah Corso nous montre une grande sacoche : « Cette sacoche regroupe beaucoup de choses nécessaires à ma recherche. Déjà, une partie avec l’ordinateur et tout un tas de câbles, car nous récupérons les données directement sur les capteurs de manière manuelle. Il y a également tout une partie pour faire fonctionner les capteurs. Nos outils sur le terrain ont souvent besoin de petites réparations et d’ajustement, cette sacoche réunit le nécessaire d’un physiologiste de terrain ! »

Elisa Bezier