© Elsa PERRIN – INRAE
Chloé Bonnineau
L’écotoxicologie, vous connaissez ?
Chloé Bonnineau est chargée de recherche en écotoxicologie microbienne aquatique à INRAE au sein de l’équipe ECOVEA (Ecologie des COmmunautés VEgétales Aquatiques). Ses travaux portent sur l’impact des contaminants chimiques sur les communautés microbiennes benthiques d’eau douce. C’est par une journée pluvieuse de novembre que nous la rencontrons et découvrons son parcours et ses recherches.
Après avoir fait une école d’ingénieurs à Toulouse, l’INSA, avec une spécialisation en microbiologie et en biochimie, Chloé Bonnineau réalise une thèse d’écotoxicologie des communautés microbiennes en Espagne. Elle s’intéresse aux effets de la pollution sur les communautés microbiennes attachées aux cailloux : le biofilm. Elle réalise ensuite un post-doctorat en Belgique, en se focalisant cette fois-ci sur les poissons d’eau douce et le lien entre leur alimentation et leur résistance aux métaux. Elle obtient alors un poste de chargée de recherche à INRAE dans l’unité de recherche RiverLy, à Lyon où elle étudie les effets des contaminants sur les fonctions d’adaptation des communautés microbiennes attachées aux substrats solides et aux sédiments. Il existe une synergie importante entre les unités de recherche RiverLy, à Lyon et EABX à Bordeaux. C’est alors en septembre 2022 qu’elle intègre officiellement l’équipe ECOVEA dans l’unité de recherche EABX de Bordeaux.
Une pluralité de compétences qui s’organisent ensemble pour la recherche
EABX regroupe un large panel de profils. On y retrouve des chimistes, des biologistes, des technicien·ne·s, des ingénieur·e·s ou des assistant·e·s ingénieur·e·s doté·e·s d’une pluralité de compétences allant de la microscopie aux statistiques en passant par l’informatique. Chloé Bonnineau insiste sur l’importance des discussions entre pairs et avec les étudiant·e·s qui « permettent de toujours questionner la manière dont on fonctionne et de faire évoluer nos acquis ». L’équipe étudie les effets des stress multiples dus à la présence de contaminants ou au changement climatique à différentes échelles du vivant. Chloé Bonnineau travaille sur les communautés microbiennes appelées biofilm ou périphyton. C’est la couche glissante que l’on observe sur les cailloux des petites rivières. Ces organismes sont primordiaux pour les rivières, car ils réalisent la photosynthèse. Ils utilisent le CO2 et l’énergie solaire pour produire de l’oxygène et de la biomasse. « Ils se trouvent à la base de la chaîne alimentaire et ont un rôle important dans tout ce qui concerne la production de biomasse, la dégradation de la matière organique et le recyclage des nutriments », précise la chercheuse. Ses recherches portent sur l’effet des contaminants sur le fonctionnement des communautés microbiennes. Elle nous explique qu’elle cherche à comprendre : « Comment ces effets se traduisent sur les fonctions des organismes à l’échelle de la communauté microbienne et comment ces altérations peuvent se répercuter au niveau d’un tronçon de rivière ou d’un écosystème. »
Rivière à Llemena, en Catalogne
© Chloé BONNINEAU
Les discussions avec les pairs permettent de toujours questionner la manière dont on fonctionne et de faire évoluer nos acquis.
Les corps microscopiques, pourquoi les étudier ?
Les micro-organismes sont au cœur de nombreux processus indispensables à la vie sur Terre et font donc l’objet de nombreuses recherches. Les scientifiques s’interrogent notamment sur la présence de contaminants dans l’environnement. Dans ce contexte, Chloé Bonnineau co-coordonne avec Stéphane Pesce (RiverLy, INRAE) le projet européen de formation doctorale Pharm-ERA sur les résidus pharmaceutiques dans l’environnement. Cette étude porte à la fois sur leurs effets sur le fonctionnement et la diversité des communautés microbiennes, sur le développement de l’antibiorésistance et éventuellement l’apparition de pathogènes. L’objectif est d’apporter des connaissances sur le transfert d’antibiorésistance dans l’environnement et de mettre en avant des points de vigilances vis-à-vis de ces contaminants. En tant que chercheuse, de nombreux projets régissent son quotidien, son emploi du temps varie donc fortement en fonction des projets en cours.
Rivière en Argentine
© Chloé BONNINEAU
La microbiologie, une histoire de microscope ?
La recherche implique l’utilisation de nombreux outils techniques et numériques. Nous discutons alors du préjugé concernant l’utilisation dite primordiale du microscope dans les études de microbiologie. Chloé Bonnineau, dans le cadre de ses recherches, s’intéresse en priorité à la question « qu’est-ce qui se passe ? » plutôt que « qui est là ? ». Avec l’avènement technologique, il existe de plus en plus d’outils qui permettent de remplacer les observations au microscope, telles que la métagénomique pour identifier et quantifier les espèces présentes ou la cytométrie en flux pour quantifier les micro-organismes présents en différenciant par exemple les morts des vivants. Chloé Bonnineau rappelle tout de même que « chaque technique a ses biais ». Elle n’utilise donc pas directement le microscope dans ses recherches, même si elle affirme que c’est toujours intéressant et formateur d’observer ce sur quoi on travaille. Selon la chercheuse : « Dans l’équipe ECOVEA, certain·e·s de mes collègues ont une compétence et une expertise poussée en microscopie, je n’hésite pas à les solliciter pour des collaborations lorsque c’est pertinent. » Enfin, les microbiologistes ne travaillent pas uniquement en laboratoire, il y a également du travail de terrain, par exemple pour la collecte d’échantillons, ou au contraire du travail d’analyses de données et de rédaction qui font partie intégrante du travail de routine d’un·e chercheur·se en microbiologie. Le travail peut aussi être partagé avec des étudiant·e·s, favorisant le transfert de compétences.
Une plaque de verre immergée, mais pourquoi faire ? Quand Chloé Bonnineau fait de la vulgarisation scientifique sur sa recherche, elle utilise cet objet pour faire deviner son sujet. D’abord intrigante, cette plaque de verre est en fait un support que l’on immerge et qui est colonisé par le biofilm. Cet outil permet de contrôler l’âge du biofilm et de standardiser certains paramètres. C’est toujours aussi surprenant pour le grand public de se rendre compte que certains outils scientifiques sont basiques comme une plaque de verre ou une brosse à dents pour détacher le biofilm du substrat.
Léa Morillon