Portrait Bertram Blank

©B. Blank

Bertram Blank

Voyage au cœur de la matière

Bertram Blank est physicien expérimentateur en physique nucléaire au Laboratoire de physique des 2 infinis (LP2i). Au sein de l’équipe Noyaux Exotiques, ses recherches portent sur l’étude de l’interaction faible, l’une des quatre forces principales qui régissent notre univers. C’est dans le domaine boisé du laboratoire que nous le rencontrons.

Lors d’une visite au centre de recherche sur les ions lourds, laboratoire GSI, en Allemagne, Bertram Blank, lycéen à l’époque, prend goût pour la physique nucléaire : « Cette visite m’a tellement impressionné, que j’avais envie de travailler là », nous explique le scientifique. Après des études à l’Université de Darmstadt, au sud de Francfort, le jeune physicien valide son master et entame une thèse, au sein du laboratoire ayant vu naître cette passion, le GSI. « Ce qui est bien, c’est que ça montre que ce n’est pas impossible, pour un élève de 1ʳᵉ ou terminale, de finir chercheur dans un grand laboratoire », nous confie le chercheur. Déjà, durant cette thèse, Bertram Blank travaille en étroite collaboration avec des équipes de recherche bordelaise, rattachées au CENBG (Centre d’études nucléaires de Bordeaux-Gradignan), l’ancienne dénomination du LP2i. Thèse obtenue en 1991, il part alors en direction de Bordeaux, au CENBG, pour un post-doctorat d’une durée d’un an. Quelques mois après son arrivée, Bertram Blank candidate au Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, et obtient le concours de chercheur. L’année initiale s’est alors transformée en plus de 30 ans de recherches, au sein du laboratoire bordelais, le LP2i.

Le projet WISArD, une recherche sur l’interaction faible

Bertram Blank travaille actuellement sur un projet nommé WISArD, basé sur l’étude de l’interaction faible avec la décroissance de l’isotope Argon-32. De manière à contextualiser cette étude, le physicien nucléaire nous explique que quatre interactions fondamentales régissent notre univers : l’interaction gravitationnelle, que nous connaissons pour agir sur les corps célestes, mais qui en réalité agit sur l’ensemble de la matière, l’interaction électromagnétique qui régit tous les phénomènes électriques et magnétiques, l’interaction forte qui permet la cohésion du noyau de l’atome et, enfin, l’interaction faible à l’origine de la désintégration de certains noyaux radioactifs. À travers son travail sur l’interaction faible, ce scientifique explore donc, les mécanismes régissant les corps subatomiques composant la matière elle-même.

 

Expérimentalement, les scientifiques observent deux courants induits par l’interaction faible, ils se nomment courant vectoriel et courant axial-vectoriel. Cependant, la théorie nous dit qu’il existe trois autres types de courant induit par cette interaction : le courant scalaire, le courant tensoriel et le courant pseudo-scalaire. Lors d’une désintégration nucléaire induite par l’interaction faible, deux particules sont émises d’un noyau radioactif. Pour un des courants les plus observés, ces particules sont émises préférentiellement dans la même direction. Avec le projet WISArD, « on cherche à savoir si un autre courant exotique existe, ne serait-ce qu’avec une contribution très faible », nous apprend Bertram Blank. Cela, en cherchant à observer une émission de particules, non pas dans la même direction, mais dans deux directions opposées.

Schéma illustrant la radioactivité β, réaction régie par la force nucléaire faible

Schéma illustrant la radioactivité β, réaction régie par la force nucléaire faible – ©J. Giovinazzo

Ce n’est pas impossible, pour un élève de première ou terminale, de finir chercheur dans un grand laboratoire.

Une étude menée tout autour du globe

Pour mener à bien leur recherche sur l’interaction faible, l’équipe utilise des installations dans plusieurs pays du monde. En effet, l’un des obstacles prédominants est l’obtention de l’accord des comités distribuant le « temps de faisceau » sur les installations. « C’est une limite pour nos recherches, mais ça fait partie du jeu », admet Bertram Blank. Les principales expérimentations du projet, ont lieu au CERN dans une installation nommée ISOLDE. Néanmoins, en fonction des accords, obtenus ou non, ou encore, en fonction des paramètres nécessaires à l’étude, Bertram Blank nous informe qu’il peut tout aussi bien être amené à utiliser des installations au GANIL (Grand Accélérateur National d’Ions Lourds) à Caen, au GSI en Allemagne, à Jyväskylä en Finlande, ou encore au Japon, au Canada ou aux États-Unis. « On se promène pas mal, en fonction de ce qu’on veut faire, chaque laboratoire propose des choses différentes », nous détaille le physicien nucléaire.

Les centrales nucléaires, une idée reçue tenace

Lorsque nous questionnons Bertram Blank à propos d’une idée reçue qui colle à la peau des physiciens nucléaires, c’est tout naturellement qu’il nous indique que les centrales nucléaires reviennent le plus souvent. Il nous raconte : « Quand je dis à monsieur tout le monde que je travaille en physique nucléaire, le premier lien qui est fait, si tout va bien, c’est avec les centrales nucléaires, si c’est pire, c’est avec les bombes. » En effet, en France, nous entendons, le plus souvent, parler d’énergie nucléaire et, par combinaison logique, des centrales dans lesquelles cette énergie est produite. Nous entendons, en revanche, moins parler de physique nucléaire et de la recherche qui y est rattachée. Cela comprend bien des domaines, de la médecine aux étoiles, en passant par l’archéologie ou encore l’agro-alimentaire.

Si vous vous demandiez si un physicien nucléaire possédait un instrument favori, sachez que concernant Bertram Blank, la réponse est oui. Il nous présente alors un détecteur au Germanium. L’élément Germanium est un semi-conducteur, une propriété idéale pour mesurer la radiation. Après dix ans de travail pour son étalonnage, celui-ci est exceptionnel, « dans le monde, il y a deux détecteurs connus pour être aussi précis, un aux États-Unis et celui qui se trouve derrière vous », nous indique-t-il.

©B. Blank

Nino Quillent-Elinguel