CES CORPS QUI NOUS ENTOURENT

Au cœur des archives de la biodiversité, les collections naturalistes

Les collections naturalistes, par leur enrichissement au fil des siècles, ont révolutionné les études de biologie animale. Andrée Azriel Boutin nous parle de ces témoins des changements environnementaux à l’heure de la crise de la biodiversité actuelle.

Les collections naturalistes sont des outils pour la science depuis la Renaissance. L’élargissement de ces collections et le perfectionnement des différentes techniques de conservation ont révolutionné les études d’anatomie comparée, de génétique et de biologie. Les cabinets de curiosités, les collections de particuliers et les musées d’histoire naturelle sont devenus d’importantes références en biologie animale. Ce sont des dispositifs scientifiques qui permettent au public de connaître et de comprendre la biodiversité d’hier et d’aujourd’hui, témoignant d’une chronologie d’événements naturels et des changements globaux. Elles ont ainsi une place centrale dans la valorisation du patrimoine historique et naturel.

 Une fenêtre sur l’histoire biologique

Andrée Azriel Boutin est assistante ingénieure, responsable de l’ensemble du patrimoine de biologie animale de l’université de Bordeaux. Une partie de son travail consiste à prendre soin des spécimens de la collection en les protégeant des variations de température et de certains insectes tel que l’Anthrenus museorum. C’est un coléoptère dont la femelle pond à l’intérieur des spécimens, naturalisés ou non, provoquant ainsi des dégâts aux collections. 

 

On retrouve dans la salle d’exposition qu’elle nous montre des spécimens allant du protozoaire (les plus petits organismes du vivant) aux grands mammifères en passant par le monde des insectes. On y découvre la variété de spécimens au sein d’une espèce, et la variété d’espèces dans un temps et un lieu donnés. Depuis la création du site internet de la collection, de nombreux dons ont permis d’étoffer la collection. Aujourd’hui, elle est particulièrement fournie en lépidoptères, plus communément appelés les papillons. Observer et étudier ces archives de l’histoire de la biodiversité nous permet de comprendre la nature et les dynamiques des changements actuels et des événements passés.

Photo prise lors d'une visite de la collection naturaliste de Bordeaux. 6 personnes sont face à une armoire ouverte remplie de papillons.
© Léa Morillon

Les collections révèlent les changements environnementaux

Comme dans beaucoup d’autres collections, on retrouve ici certaines espèces vulnérables, en voie de disparition ou déjà disparues. Andrée Azriel Boutin explique que « dans les années 1900-1930, il y avait énormément de papillons, mais plus on va vers une modernisation, une industrialisation, un bétonnage et un changement climatique, plus on s’aperçoit que la quantité de papillons diminue ». Par exemple, l’Hermite (Chazara briseis) qui fut autrefois largement présent en France – notamment en Gironde – a aujourd’hui disparu de nombreux départements. « Il a complètement disparu de l’Aquitaine et est menacé à l’échelle de la France », souligne-t-elle ainsi. Deux tiers des 301 espèces de papillons de jour vivant en France ont disparu d’au moins un département depuis le siècle dernier. Cette régression est principalement due à l’urbanisation de la région, forçant les papillons à reculer dans les terres pour y trouver les ressources dont ils ont besoin. 

 

Lors des visites de la collection, les espèces disparues à l’échelle locale – entre autres – sont mises en valeur auprès du public pour témoigner de l’impact de l’anthropisation sur la distribution et l’abondance de ces espèces.

Spécimens épinglés de papillons dans un tiroir
© Léa Morillon
L’importance de transmettre

Léa Morillon

Andrée Azriel Boutin explique : « Mon travail, c’est de conserver, préserver pour les générations futures. » Ces archives naturalistes jouent un rôle important dans l’éducation sur l’histoire de la biodiversité et l’impact de l’anthropisation sur les populations animales. D’autant plus que le dérèglement climatique et la crise de la biodiversité entraînent des perturbations des écosystèmes de plus en plus importantes. Entretenir de telles collections contribue à la sensibilisation du public à la préservation du patrimoine biologique et historique. Cette conservation réalise d’une part un travail de mémoire permettant de rendre compte de la richesse du patrimoine naturel et d’autre part, elle favorise la compréhension des dynamiques actuelles et passées pour répondre aux défis auxquels sont confrontées les populations et qui menacent la biodiversité.